Association des Footballeurs Ivoiriens
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Domoraud Cyrille: « Les choses doivent changer pour les clubs et les footballeurs ivoiriens »

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Domoraud Cyrille, président, et l'AFI engagés pour le bonheur des joueurs ivoiriens. (AFI)‎

Le président de l’Association des Footballeurs Ivoiriens (AFI) suit avec intérêt l’actualité du football made in Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, il se prononce sur la prochaine AG de la FIF, les performances des Eléphants en éliminatoires du Mondial 2022 etc. Peiné par la descente de l’Africa en Ligue2, l’ancien défenseur de l’Inter Milan décline, par ailleurs, sa vision pour le football ivoirien.

Comment l’AFI se prépare-t-elle à participer à l’Assemblée générale ordinaire de la FIF qui se tiendra dans les prochaines heures ?


Ecoutez, nous sommes en train de nous imprégner de la documentation mise à notre disposition concernant l’AG. Au sortir de là, s’il y des observations particulières à faire on le fera à l’Assemblée. Je sais que l’ordre du jour porte sur le bilan financier et moral de l’année en cours et les perspectives.


En attendant, les clubs ivoiriens, l’Asec Mimosas et le FC San-Pedro, étaient engagés en compétitions africaines, le week-end dernier. Bien avant, il y a eu les Eléphants qui sont sortis des deux premières journées des éliminatoires du Mondial 2022 avec 4 points. Quelles réactions ?


Parlant les Eléphants, je pense qu’ils ont un bon bilan partiel. Aller prendre un point à l’extérieur et venir le consolider à domicile, qui plus est, face au Cameroun, c’est une très belle performance. Vous savez, il n’est jamais facile en Afrique d’aller chercher des points en déplacement. Le sélectionneur est en train de faire un bon travail. En même temps, il a, à sa disposition, une trentaine de joueurs de qualité ; ce qui n’est pas facile pour lui au moment de choisir les meilleurs du moment. Par conséquent, il a besoin du soutien de tous les Ivoiriens afin de qualifier la Côte d’Ivoire pour la Coupe du monde. La presse également doit l’aider à travailler sereinement. Cela permet aux joueurs d’être dans une posture plus confortable que celle que nous avons connue.


C’est l’une des rares fois que la Côte d’Ivoire bat le Cameroun à Abidjan. Ceci dit, cette victoire du 06 septembre dernier a-t-elle un sens particulier pour vous ? Est-ce le tournant qui permet de croire à une qualification pour une 4e phase finale de Coupe du monde ?


Si ma mémoire est bonne, on a perdu qu’une fois contre le Cameroun en Côte d’Ivoire. Je retiens que ce fut un match accompli au niveau de nos joueurs même s’il y a encore du travail à abattre. Nous avons une nouvelle génération de joueurs qui essaient de s’imposer. Elle a de la qualité et des individualités. J’ai bon espoir qu’ils vont faire de la Côte d’Ivoire ce qu’elle était.


Qu’est-ce qui manque à cette équipe de Côte d’Ivoire pour retrouver le niveau des années 2002 à 2010 ?


Pour moi, les Eléphants ont tout ce qu’il faut. Ils ont de bons joueurs, un bon encadrement. A notre époque, le président Jacques Anouma, le président Idriss (Diallo) et le président Sidy (Diallo), paix à son âme, avaient tout mis en œuvre pour qu’on soit dans les conditions idoines. La génération actuelle est encore au-dessus de nous parce qu’ils ont de meilleures conditions de voyage. C’est juste au sélectionneur de mettre le meilleur onze sur le terrain. Contrairement à ce que racontent les gens, il n’y a aucun joueur qui vienne en sélection pour se balader. C’est celui qui n’a jamais été en sélection nationale qui raisonne ainsi. Quand tu joues sur un terrain comme celui du Stade Félix Houphouët-Boigny et qu’après le match, tu perds deux à trois kilos, ça veut dire que tu t’es dépensé. Quand tu sors de l’hiver pour arriver ici sous une température de 40°, il faut que l’organisme se réadapte. Donc, c’est un faux débat. Les joueurs ne viennent pas en sélection pour le simple plaisir de venir. Ils viennent parce qu’ils ont l’amour de la Côte d’Ivoire. Certes, dans les matches, il y a des jours sans et des jours meilleurs.  Mais il appartient à l’entraîneur de composer le meilleur onze possible.

DOMO AG

 Le président Domoraud Cyrille est concentré sur l'avenir des footballeurs ivoiriens.


Qu’en est-il de l’Asec et du FC San-Pedro qui sont revenus de leurs expéditions continentales avec au moins le point du nul dans la besace ?


Comme je l’ai dit au président Francis (Ouégnin) lors du Carré d’AS, on sent que l’Asec a franchi un palier. L’équipe est plus aboutie qu’auparavant. Il y a un changement de mentalité. L’Asec est connue comme une équipe qui joue bien au ballon. Aujourd’hui, elle a rajouté à cette qualité, la rigueur défensive ; on sent un bloc. L’Asec est sur sa lancée. C’est un très bon résultat que d’aller gagner à l’extérieur. Après, c’est à elle de savoir négocier son match retour ici. Il faudra pour cela qu’elle joue sans penser au match aller. Parce qu’en voulant gérer on se met plus en danger qu’en jouant. C’est un club mythique, expérimenté donc habitué aux joutes continentales. Ça sera aux joueurs de le confirmer. Le FC San-Pédro, également, fait une belle opération en allant gagner sur terrain neutre. Ils ont bien négocié cette manche. Tout comme l’Asec, ils ont besoin de confirmer ici. Il est important que nos deux représentants dans ces compétitions continentales aillent le plus loin possible. C’est clair qu’on passe une période creuse. Mais, j’espère qu’après les élections, on repartira de plus belle.

 

Je suis peiné que l’Africa descente en Ligue2 mais…


Vous avez rappelé tantôt que l’Asec est un club mythique. Malheureusement l’Africa Sports, l’autre club ivoirien de légende, est admis à faire valoir ses droits en Ligue2. Pour la première fois, président, comment réagissez-vous à cette descente historique des Aiglons ?


Cette descente du club vert et rouge est la résultante de plusieurs facteurs. Après, c’est vraiment dommage que les choses se soient passées ainsi. Parce qu’en Côte d’Ivoire, lorsqu’on parle de l’Asec, on parle de l’Africa. J’ai ouï dire un jour que l’Asec et l’Africa n’existaient plus tout simplement parce que tous les clubs qui se créent aujourd’hui sont des émanations de ces deux entités. Je dis non :  l’Africa et l’Asec existent toujours. Par ailleurs, j’ai cru entendre, hier (lundi), qu’ils ont introduit un recours. Mais au regard des calculs, je doute fort que l’issue de ce recours puisse permettre à l’Africa de se maintenir en Ligue1. En tout état de cause, c’est un club qui doit se rebâtir en profondeur pour connaître un nouveau rayonnement.


Faut-il, à votre avis, faire jurisprudence et maintenir l’Africa en Ligue1 pour éviter de porter un coup au marketing autour du championnat comme le pensent certains observateurs ?


A l’époque, l’OM avait connu l’expérience de la relégation. Avec Marseille, c’était encore plus grave parce qu’il y avait ce soupçon de corruption. Marseille venait de gagner la Ligue des champions, Marseille était champion de France. Malgré tout, le club est descendu en Ligue2. Pareil pour la Juventus. C’est la loi du terrain qui a amené l’Africa Sports à cette place. Ça fait partie du football. Je suis peiné que l’Africa soit en Ligue2 mais, comme je l’ai dit tantôt, cela leur permettra de bien s’organiser pour revenir plus fort.


Parlons du football ivoirien de façon générale. Il y a, entre autres préoccupations, la pelouse du Stade Ebimpé qui offre un piteux visage. C’était le cas lors du match contre le Cameroun. Quel a été votre ressenti devant ce spectacle pour le moins désolant ?

 

J’ai été vraiment outré de voir la pelouse du stade d’Ebimpé. Ce n’est pas digne de la Côte d’Ivoire. C’est inconcevable qu’un joyau de la dimension du Stade d’Ebimpé ait une pelouse aussi catastrophique. J’ai cru entendre qu’ils avaient essayé de remodeler le terrain. Ce n’est pas la solution. La solution, c’est de raser complètement le terrain et remettre une autre pelouse.      On a la chance d’avoir des stades comme ceux de Bouaké et de Yamoussoukro qui sont prêts. Il faut les utiliser le temps de refaire la pelouse d’Ebimpé. La pelouse, telle qu’on l’a vue contre le Cameroun, fait déjouer le footballeur et met en danger son intégrité physique. A notre temps, avant un match au Félicia, on demandait au président Anouma à ce que la pelouse soit impeccable pour qu’on puisse bien s’exprimer. Avec l’ONS, il prenait toutes les dispositions nécessaires pour le faire. C’est vrai que les joueurs ont montré de belles choses, mais avec une pelouse plus adaptée, le spectacle aurait été d’une bien meilleure qualité.


Cette saison, la Côte d’Ivoire a connu des championnats d’un type particulier. Comment avez vécu cette configuration plutôt exceptionnelle avec, notamment, une Ligue1 qui s’est jouée en l’espace de trois mois ?


Cette particularité est due à la normalisation. Installé en janvier, le CONOR-FIF a essayé tant bien que mal de remettre le championnat en selle. Ce fut un championnat court qui a occasionné beaucoup de blessures. C’était un championnat intense organisé après plus de 8 mois d’arrêt. Les joueurs en ont pâti. C’était, toutefois, important que les clubs reprennent. La population avait faim de football, les acteurs avaient besoin de rejouer pour toucher leurs salaires. Parce que, figurez-vous, pendant les périodes creuses, les joueurs ne sont pas payés. C’est tout cela qu’on doit revoir avec la future gouvernance. Malheureusement, la normalisation est plus en rapport avec les clubs que les groupements d’intérêts. Il aurait été souhaitable qu’avec l’AFI, le Comité de normalisation puisse discuter de la situation des joueurs. Certes, les joueurs appartiennent aux clubs mais ils ont leur association qui les suit au quotidien, c’est l’AFI.


Justement, dans cette parenthèse de normalisation, quels ont été vos rapports avec les joueurs ? Leur avez-vous apporté l’assistance nécessaire ? En d’autres termes, est-ce que la proximité AFI-joueurs a prévalu comme d’habitude ?


L’AFI est restée en contact permanent avec les joueurs. La preuve en est que nous avons sillonné tous les 38 clubs de la Ligue professionnelle. Il y a eu de la proximité auprès de joueurs pour essayer de régler des situations qu’on pouvait régler et aider ceux qu’on pouvait aider.

 

Il faut que l’Etat accompagne les clubs dans leur développement

 

Le 10 Août dernier, l’AFI a tenu son assemblée générale ordinaire. Que retenez-vous de ces assises ?


Ça a été une assemblée générale de haut vol. Nos joueurs se sont exprimés. Ils ont montré qu’en plus de jouer au football, ils avaient la tête bien pleine et bien faite. J’ai été d’autant plus fier d’eux que, devant les représentants de la FIFPro, ils ont dit ce qu’ils avaient à dire. Ils ont suggéré ce qu’ils souhaitaient. Le débat était d’un très haut niveau. Je pense que nous allons vers une nouvelle génération de joueurs qui prennent conscience de leur métier mais qui, surtout, ont un bagage intellectuel.  C’est important pour des joueurs qui sont à ce niveau de pouvoir débattre de leurs intérêts et de leur avenir. Quant à nous, nous avons dressé le bilan de nos années précédentes. Et je dois dire que nous étions face à des hommes.

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Le président de l'AFI et le Secrétaire général, se prêtant aux questions de la presse en marge de l'AGO du 10 Août 2021

 

Après l’AGO, la paix est revenue dans la maison AFI. Quelles sont maintenant les perspectives à court et moyens termes ?


A brève échéance, nous allons repartir, comme chaque année, vers les joueurs pour la sensibilisation. Il faut qu’on se parle davantage, les joueurs et nous. Il y a les aspects formation et reconversion sur lesquels nous allons mettre un accent. Sans oublier l’assurance complémentaire que nous allons mettre en place pour les joueurs. Il y a beaucoup de choses sur lesquelles on travaille. Il y a des structures que nous avons approchées en vue d’un partenariat qui permette à nos joueurs d’avoir un toit. On veut que nos joueurs, à la fin de leur carrière, puissent avoir un petit fonds et un toit où dormir.


Il y a deux ans qu’on n’a pas vu le stage AFI pour les joueurs au chômage. Qu’est-ce qui explique votre inactivité dans ce domaine ?


C’est en raison de la situation de crise sanitaire que le stage n’a pas été organisé au cours des deux dernières années. Rassurez-vous, nous travaillons sur le prochain stage prévu pour l’intersaison.


Qu’en est-il du challenge du meilleur joueur du mois de Ligue1, parce que là aussi, on a constaté un calme plat la saison dernière !


Effectivement, cette saison, on n’a pas eu le challenge. En effet, du fait de la crise (en son sein), beaucoup de gens pensaient que l’AFI n’avait pas le droit d’exercer sur le territoire national. C’est tout simplement parce que ces personnes ignoraient que l’AFI est de droit ivoirien et que, de ce fait, elle pouvait fonctionner complètement et sereinement sur l’échiquier national. Ces choses ont été comprises à la fin du championnat. Malheureusement, il était trop tard pour initier le challenge. Sinon le challenge demeure et reste bien au programme de nos activités.


En tant que président de l’AFI, et donc responsable des joueurs en activité, quelle est votre vision pour le football ivoirien ?


Ma vision pour le football ivoirien, c’est qu’on ait des clubs structurés et économiquement forts. Pour cela, il faut mettre les dirigeants à l’épreuve. Je souhaite donc que l’Etat, dans une politique d’accompagnement, mette des sponsors à la disposition des clubs pendant trois ou quatre ans. Pour qu’après, ces clubs puissent s’auto-gérer et avoir les moyens d’assurer des salaires conséquents et réguliers aux joueurs. Il faut, également, que les collectivités territoriales se greffent aux clubs pour les aider à grandir. Cela évitera la fuite clandestine de nos joueurs. Ce sera aussi la condition de grimper dans le gotha du football africain. Hier par exemple, j’ai vu le dernier classement des championnats africains, la Côte d’Ivoire est à la traîne. Ce n’est pas normal. Les choses doivent changer.


En cela, pensez-vous que l’érection des clubs en société à objet sportif constitue une solution efficiente ?

 

Absolument. C’est d’ailleurs la norme. Dans le football professionnel, il y a d’un côté la société de gestion et de l’autre l’association. C’est la société qui va chercher les moyens pour les mettre à la disposition de l’association. Quand je commençais à Créteil, c’était un club semi-professionnel. Par la suite, il a été créé la société Créteil qui accompagnait l’association Créteil. Il doit en être de même ici. Pour ça, il faut que les clubs soient accompagnés. Qu’on leur fasse des facilités sur le plan fiscal pour qu’ils puissent mieux fonctionner et faire entrer de l’argent.

 

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